Questionner les générations au travail a-t-il un sens ?
Pourquoi certains managers expriment-ils des difficultés à manager les jeunes ?
Après avoir donné lieu à la production de multiples études, articles et commentaires sur la « génération Y », individualiste, hyper-connectée, réfractaire à l’autorité et en proie au zapping, est venu le temps de la défiance. « La génération Y n’existe pas » peut-on lire désormais. C’est une invention de consultants et de marketeurs désireux de vendre du conseil. Donc, oubliez vos questionnements et vos fantasmes !
Mais force est de constater, sur le terrain, qu’il émane une demande réelle, ne pouvant être ignorée, de la part de nombreux managers et dirigeants, de mieux comprendre les attentes et les besoins des jeunes au travail, de mieux saisir les ressorts de leur motivation et de leur engagement.
Pour sortir de ce débat « la génération Y existe-t-elle ou pas ? », il me semble utile de rappeler l’intérêt mais aussi les limites à aborder la question de la jeunesse au travail sous l’angle générationnel.
La génération est un concept
Etudier les jeunes sous l’angle générationnel, c’est faire un zoom très large sur une population, née à la même époque dans un même contexte économique, social et culturel, qui influe sur les pratiques et les représentations des individus. Ce que dessine une génération, c’est un idéal-type décrit autour de points communs, de traits saillants. S’intéresser à ces modes de penser et d’agir n’a autre intérêt que de comprendre les grandes évolutions de notre société.
Un miroir… ou un mystère
La jeunesse apparaît, pour certains managers, comme porteuse d’un nouveau rapport à l’autorité qui, de statutaire est désormais négociée ; d’un nouveau rapport au temps, qui soumet tout un chacun au culte de l’urgence ; de nouveaux modes de communication plus décontractés et horizontaux, impulsés, entre autres, par l’usage des réseaux sociaux. Loin d’être détentrice exclusive de ces nouveaux modes de relations sociales, la jeunesse fait figure de miroir grossissant pour les uns mais constitue un mystère pour les autres. Ce qui a conduit certains commentateurs à dire qu’il conviendrait mieux de parler de culture Y que de génération Y.
La jeunesse est une construction
De nombreux comportements, décrits de manière souvent caricaturale, sont associés à la notion de génération alors qu’ils ne sont liés qu’à l’âge de la jeunesse. Un âge que l’on situe désormais, avec le rallongement de la durée des études et des rites de passage survenant plus tard et de manière échelonnée, entre 15 et 29 ans. C’est la tranche d’âge retenue par les organismes statistiques, comme l’INSEE et le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), qui s’appuient sur l’arrivée du premier enfant, autour de la trentaine, pour marquer l’entrée dans l’âge adulte.
Mais au-delà de l’âge, la jeunesse est une période de transition durant laquelle les jeunes expérimentent, font des choix, prennent des responsabilités, acquièrent leur indépendance matérielle, leur l’autonomie et se forgent progressivement une identité professionnelle.
Accompagner la socialisation professionnelle des jeunes recrues
Manager un jeune nécessite donc des compétences particulières. Les managers ne sont pas formés pour accompagner la socialisation professionnelle de leurs jeunes collaborateurs. Ils n’ont pas toujours conscience, par exemple, du décalage que peut provoquer leurs cadres de référence respectifs.
S’ajoute à cette difficulté, une demande de traitement personnalisé des individus dans notre société, toutes générations confondues. Les managers doivent aussi s’adapter aux différents profils qu’ils rencontrent. En attente de recettes miracles pour manager les jeunes, ils se confrontent à la complexité des personnalités, mais aussi aux différenciations sociales qui marquent cette jeunesse plurielle, liées notamment aux inégalités en matière de niveau d’études et de qualification.
Eclairer la compréhension par la contextualisation
Entre méconnaissance de ce que recouvre le concept de génération, confusion entre âge de la jeunesse et génération, limites de ce qui fonde la singularité d’un individu, on pourrait douter de l’intérêt d’adopter une approche générationnelle. Et de fait, elle fait souvent figure de porte d’entrée pour traiter plus largement de questions touchant au management des individus et des équipes, au renouvellement des modèles organisationnels, à la redéfinition de la place des femmes et des hommes dans l’entreprise….
Mais se priver de son éclairage serait se couper de toute contextualisation, essentielle à la compréhension des faits sociaux. Parce que chaque génération est marquée par des expériences initiatrices et qu’elle se construit autant au travers de valeurs héritées de la précédente que de valeurs qui lui sont propres.
Envie d’aller plus loin sur le sujet ?
Découvrir les conférences “Drôles de Z”